David Hockney

De la toile à l’iPad, David Hockney, peintre en liberté

RENCONTRE | Hockney, peintre dandy, artiste insolent, entretient le dialogue avec ses aînés (Picasso, Van Gogh…) tout en utilisant des techniques ultramodernes.

Propos recueillis par Yasmine Youssi extrait

 

Il a déboulé sur la scène artistique en 1961, à l’âge de 24 ans, et ne l’a plus quittée, s’imposant très vite comme l’un des plus grands peintres du XXe siècle. L’Anglais David Hockney n’a jamais appartenu à aucune école, aucun mouvement. Il a touché à la peinture sur toile ou sur iPad, au théâtre, à l’opéra, au cinéma ou à la photographie, représentant chaque fois ce qui l’entourait dans une palette aux couleurs vives : des intérieurs, des fleurs, ses amis de toujours, des paysages, des piscines californiennes, ses chiens.

C’est probablement à son galeriste, John Kasmin, que revient la définition la plus juste de son art – « insolent ». Car Hockney aborde les questions d’espace, de figure humaine, de volume ou de lumière avec une liberté totale, soutenue par une incroyable maîtrise technique. En témoignent ses derniers tableaux, des paysages du Yorkshire, sa région natale. Exposés à la Royal Academy de Londres cet hiver, ils rappellent le dialogue permanent que le peintre entretient avec ses aînés, Picasso, Matisse, Van Gogh ou encore Claude Lorrain. L’architecture du musée Guggenheim de Bilbao, où ils sont aujourd’hui présentés, sublime leur contemporanéité. Car Hockney utilise « des techniques ultramodernes pour s’attaquer à des thèmes de l’art on ne peut plus pérennes tels les arbres ou les couchers de soleil », explique son ami, l’historien d’art Martin Gayford. Parce qu’il a vécu à Londres, à Paris et en ­Californie, on le croit mondain, hautain, occupé à faire la fête. Eternel dandy aux lunettes rondes, à la casquette piquée de taches de peinture, chaleureux et plein d’humour, David Hockney consacre plutôt tout son temps à son art, comme il s’en explique aujourd’hui, en exclusivité

Qu’est-ce qui vous a ramené dans le Yorkshire ?
Je suis né sur ces terres. Adolescent, je m’y suis beaucoup baladé à bicyclette. Et même si je suis allé vivre ailleurs par la suite, j’y retournais tous les Noëls. Au cours des dix dernières années de vie de ma mère, j’y allais même quatre fois par an, avec chaque fois cette peur de ne plus la revoir. Mais c’est à partir de 1997 que j’ai pris conscience de l’incroyable beauté des paysages du Yorkshire. A cette époque, je m’y étais réinstallé pour être plus près de mon ami Jonathan, atteint d’une maladie incurable. Tous les jours, je parcourais une centaine de kilomètres pour être auprès de lui. Et c’est ainsi qu’après vingt-cinq ans passés en Californie j’ai redécouvert le cycle des saisons. Le printemps en particulier était pour moi quelque chose d’extraordinaire. Lorsque, en 2007, la Royal Academy m’a proposé une exposition sur ces paysages, j’ai réalisé qu’il me fallait y passer au moins quatre printemps de plus. Et je suis resté.

Vous prenez un immense plaisir à observer ce qui vous entoure. Est-ce la condition sine qua non pour devenir un bon peintre ?
Oui, j’ai toujours adoré ça. Et, depuis que je deviens sourd, il me semble que par compensation je perçois mieux l’espace. Prenez Picasso par exemple. Alors que son ami Braque était violoniste, lui-même n’entendait rien à la musique. Par contre, pour ce qui était des couleurs, il avait un sens inégalé de la nuance, des ombres et du clair-obscur. Alors oui, je pense qu’il faut savoir regarder. Regarder, et pas simplement voir. Il faut vouloir être attentif à ce que l’on a devant les yeux. Moi, c’est par le dessin que j’ai appris à le faire.

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