Balthazar Castiglione de Raphaël – Le minimaliste

Deuxième tableau

Balthazar Castiglione de Raphaël  (1514-1515)

de Bruno Le Bail

Huile sur toile, 82 cm x 67 cm, musée du Louvre, Paris

Huile sur toile, 82 cm x 67 cm, musée du Louvre, Paris

Le minimaliste

Dans ce portrait tout est posé, pensé, composé. Un véritable diamant aux multiples facettes, une certaine sprezzatura, contrairement à la Joconde où l’effet sfumato est omniprésent. Ici nous sommes dans le plan, le dit, l’aplat. La géométrie est à la surface.

Raphaël, par ce procédé, affirme l’espace, lui donne parfois une signification quasi abstraite. C’est le cas avec les mains de Balthazar Castiglione. Elles sont d’une telle simplicité qu’elles deviennent absentes en tant que main et très présentes en tant que surface en soi. Surface opposée à celle du visage non pas par la chromatique,  mais par sa représentation. Le visage est traité d’une toute autre manière: le modelé prend toute sa dimension passant de la lumière au niveau du front puis, finissant vers l’ombre de la barbe. L’œil droit est dans un autre espace que l’œil gauche. Le premier est frontal alors que le second est en profondeur. C’est génial que Raphaël puisse avoir ces oppositions de traitements dans un même tableau et que l’ensemble soit à ce point cohérent. C’est l’un des plus beaux portraits que j’ai jamais vu. Ce sont les aplats sombres qui apportent cette profondeur à la surface. Oui la surface, ici, peut avoir de la profondeur. Les termes semblent contradictoires. Raphaël a réussi ce tour de force avec une économie de moyen hors du commun. La lumière qui émane du fond vient curieusement mordre le profil droit de la silhouette. Ce qui a pour effet de ramener celui-ci au premier plan et de créer un enfoncement partiel. L’ossature primaire de la composition prend toute sa puissance pour arriver à une déviation du plan. Cette déviation dichromatique, d’un point de vu optique, est prodigieuse et va faire école, bien plus tard, chez Matisse et chez Mondrian. Le fond s’oppose au corps, le buste plus précisément, véritable tornade digne d’un chou dans son développement qui prend naissance avec le jabot blanc, crée un effet de contraste maximum avec l’habit sombre et se termine dans les méandres du fond obscur, dans la partie inférieure droite, à cet endroit précis où se forme l’ombre portée du modèle. Balthazar est dépecé par un maître dans le maniement du scalpel. Un maître du portrait minimaliste.

 

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